Linux embarqué
Nous sommes en 1995. Un industriel du sud-ouest de la France, leader sur un marché
international, celui de la machine outil dédiée au monde de la confection, cherche à con-
forter le positionnement de ses solutions et à accroître son avance technologique. Il a
compris qu’au-delà de la qualité et de la précision de ses machines, l’intégration au sein
de ses produits des facteurs de compétitivité de ses clients serait un élément clé des com-
pétitions à venir.
Ses systèmes, depuis la conception des modèles de vêtements, jusqu’à la découpe des
pièces de tissus dont le tracé a été préalablement optimisé, intègrent une « intelligence »
et une impressionnante sophistication pour le néophyte. Lorsque l’entreprise lance une
consultation externe afin de se doter d’un outil logiciel de transformation et de conver-
sion de multiples formats de fichiers graphiques, je ne me doute pas une seconde qu’un
de ses responsables techniques, Pierre Ficheux, a entrepris de faire fonctionner ces diffé-
rents équipements industriels sous LINUX. De mon côté, après une première analyse de
l’objet de la consultation, une conviction s’impose : transformer des formats graphiques,
somme toute répandus, est un travail qui a forcément déjà été réalisé. Des recherches
menées en ce sens s’avèrent fructueuses et l’entreprise intégrera avant l’heure des briques
de logiciels libres dans ses systèmes. On est loin à ce moment-là de la notoriété actuelle
d’Internet, et encore plus de celle de l’Open Source. Il devient enfin naturel aujourd’hui
de s’interroger et de rechercher ce qui a déjà été fait dans le domaine du logiciel, alors
que ce dernier échappait jusqu’alors à une démarche pourtant banalisée dans le domaine
scientifique ou artistique. Outre le fait qu’Internet et l’Open Source ont ouvert une voie
de partage et d’échange sans précédent, des raisons plus profondes de ce retard sont peut-
être à rechercher dans la nature même du logiciel et de son mode de production. Il reste
qu’Internet et l’Open Source ont révolutionné le modèle centralisé de stockage et d’accès
à l’information autour duquel était bâtie(s) tout aussi bien la bibliothèque d’Alexandrie
ou les plus volumineuses de nos encyclopédies. L’accès à une information complètement
distribuée, voire atomisée au niveau d’un individu a ouvert des champs infinis de partage
et tend à faire émerger une véritable intelligence collective. La mondialisation ne peut
pas avoir que des revers !
Les méthodes de travail dans de nombreux domaines en ont déjà été bouleversées et le
mouvement est loin d’être stabilisé. Face à une énorme masse d’informations disponi-
bles, les enjeux évoluent. Il s’agit maintenant de trier le grain de l’ivraie, de partager des
expériences analogues à ses propres préoccupations, c’est-à-dire ne plus partager simple-
ment de l’information mais également de la connaissance. Alors que nous sommes au
tout début de cette nouvelle histoire, et que les futurs réseaux sémantiques du net sont
encore dans nos laboratoires, rédiger un ouvrage de synthèse sur un sujet pour le moins
technique et pointu, reste une bonne façon de faire partager sa passion et son savoir.
Patrick Bénichou
PDG d’Open Wide
http://www.openwide.fr